mardi 8 décembre 2015

Madame Bovary: désillusions ou la malédiction de la bibliophilie

"Elle confondait, dans son désir, les sensualités du luxe avec les joies du cœur, l’élégance des habitudes et les délicatesses du sentiment. Ne fallait-il pas à l’amour, comme aux plantes indiennes, des terrains préparés, une température particulière ? Les soupirs au clair de lune, les longues étreintes, les larmes qui coulent sur les mains qu’on abandonne, toutes les fièvres de la chair et les langueurs de la tendresse ne se séparaient donc pas du balcon des grands châteaux qui sont pleins de loisirs, d’un boudoir à stores de soie avec un tapis bien épais, des jardinières remplies, un lit monté sur une estrade, ni du scintillement des pierres précieuses et des aiguillettes de la livrée." - Madame Bovary - Gustave Flaubert

Il fallait en parler. Il fallait que le « feeling » se libère. La poitrine gonflée, le souffle court, je me dépêche de m’assoir pour écrire cet article.  Quelque chose m’a bouleversée. Peu à peu je respire. Je prends conscience de ce qui m’entoure. Un monde s’écroule, un autre se crée. C’est le pouvoir des histoires.

Quand Emma Bovary rêve d’une vie meilleure, d’une vie excitante, elle se renferme dans son monde, dans ses livres, dans ses passions. Je me sens proche d’elle depuis que j’ai lu ce chef d’œuvre alors que j’avais seulement 15 ans. Emma m’a fait rêver avec elle. Ses désillusions m’ont fait trembler. J’ai peur pour ma santé mentale, j’ai peur pour ma réalité. Quand les rêves prennent racine dans le cœur et dans l’âme, quelque chose d’étrange s’immisce dans notre vie. Une déception, des questions existentielles, une négativité. Mais parfois, d’autres sentiments prennent le dessus. Le rire, l’émerveillement, l’optimisme, l’humour. Les horreurs prennent un tout autre sens.

En créant une histoire, on fait rêver les autres et on rêve pour soi-même. Les histoires nous changent et nous changeons les histoires. C’est un cycle sans fin. Les histoires dans les histoires dans les histoires. Elles font de nous des acteurs. Un tour de phrase, une lueur dans l’obscurité, une fleur au milieu de la ville, l’amour derrière l’indifférence et HOP  je transforme le monde !

Qui suis-je ? Les masques que je trimballe dans mon sac à dos pèsent lourd sur mon âme. Je veux paraître pour le monde, mais il m'est cruel de paraître. C'est ainsi que les discussions prennent souvent la même tournure: 

- Alors, tu aimes le cinéma ?
- Oui
- Tu es cinéphile ?
- J’imagine…
- Alors tu aimes les films de Godard, Eisenstein, Orson Wells, Chaplin, blablabla
- J’imagine…
- C’est quoi le dernier film que tu as vu ?
- Tamasha
- Hein ? C’est quoi Tamasha
- …

NON ! Moi j’aime Bollywood, j’aime les films « lousy », j’aime le jeu exagéré théâtral, j’aime le musicale, j’aime le kitsch, j’aime voir l’héroïne tomber dans les bras du héros. J’aime les histoires d’aventures, j’aime les histoires dans les histoires.

Je peux mettre mon masque de cinéma pour toi si tu veux. Mon masque snob. Mon masque de fille responsable. Mon masque de maturité. Mon masque de vivacité d’esprit. Mon masque de froideur.


Mais quand je rentre chez moi le soir, seule dans mon lit avec mes histoires, je suis Emma Bovary minus le suicide à l’arsenic. Je laisse tomber mes masques sur le sol et il ne reste que moi, la bibliophile. Je soupire de soulagement et de plaisir. J'appuie sur "play", je tourne une page et mon monde est renversé. Je souris. 


LaCarolina Di Franciosi

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